Celle-ci, du 5 au 29 septembre 2018, sur le thème Patrimoines 3.0 se déroulera en traitant plus particulièrement de deux grandes questions : la reconquête des centres anciens et le développement des nouvelles technologies au service du patrimoine. Ces deux questions sont intimement liées dans la mesure où la nécessaire recomposition des centres passe en partie par les filières d’avenir, nombreuses et diversifiées, comme le déploiement du numérique, les matériaux et leurs capacités, les systèmes embarqués, l’imagerie virtuelle, les améliorations énergétiques ou encore l’acoustique… Forte des deux dimensions qui la composent sous le titre Patrimoines 3.0, la Biennale européenne des patrimoines 2018 trouve ici bien plus qu’une légitimité, un ancrage dans le monde contemporain, dans un XXI où elle ne s’inscrit pas seulement comme une célébration du passé mais tout autant comme une source de développements de filières d’avenir.
S’adressant à tous les publics, la Biennale déroulera ses thématiques au cours d’une exposition de photographies sur les 7 territoires, des temps de discussions et des colloques ainsi que des visites destinées à attirer le plus grand nombre.
Après avoir composé le récit des villes en 2016, la Biennale européenne des patrimoines a choisi en 2018 de porter très haut le flambeau des Patrimoines 3.0, titre qu’elle s’est choisi et revendique en l’explicitant par deux sous-titres :
- Reconquêtes des centres anciens
- Filières d’avenir
Ainsi, un lien très fort est établi entre le titre de la Biennale 2018 – 2ème du nom – et les sous-titres qui l’accompagnent : la nécessaire reconquête des centres anciens passe, en effet, par la mise en œuvre des nouvelles technologies issues des filières d’avenir, lesquelles contribuent à un renouveau des patrimoines dans une perspective qui n’est déjà plus celle des premiers pas de l’ère numérique mais de sa consolidation exprimée par le raccourci 3.0.
Foix, juin 2018 – g.mathieu_interlinks-image

La vie des centres
Quelle que soit la taille des agglomérations urbaines, leur centralité est aujourd’hui souvent mise à mal par des phénomènes bien identifiés – en particulier liés au prix du foncier, au développement des zones commerciales périphériques ou du commerce par Internet – qu’il est difficile de conjurer. Il s’ensuit souvent une disparition partielle ou totale des commerces. L’habitat perd de sa valeur en perdant une part importante des avantages de la proximité avec les services associés aux qualités de la vie en ville. Une forme de désertification larvée frappe de nombreux ilots autrefois animés.
La redynamisation des centres
est devenue un enjeu majeur
Les centres deviennent désaffectés et la nécessité d’en régénérer toutes les composantes se fait chaque jour un peu plus patente. De ce fait, la redynamisation des centres, de la plus petite à la plus vaste l’agglomération dont ils sont au cœur, est devenue un enjeu majeur pour tout responsable de collectivités, que ce soit par le commerce, l’habitat, la culture ou même l’artisanat et toute autre forme de réactivation d’une vie urbaine intense.
Les villes moyennes ont été identifiées par le gouvernement actuel comme prioritaires pour leur apporter un nouveau souffle. Elles ont été « les grandes oubliées de l’aménagement du territoire ces dernières années », a déclaré Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, le 12 octobre 2017, lors de l’assemblée des maires des villes de France. C’est pourquoi, lors de la conférence nationale des territoires qui s’est tenue à Cahors, le 14 décembre 2017, le plan « Action cœur de ville » a été lancé qui prévoit d’investir 5 milliards d’euros en cinq ans pour agir à la fois sur l’habitat, le commerce et les services.
Des opérations de revitalisation de territoire (ORT) se mettent en place pour de nombreuses villes. En Occitanie, ce plan concerne pas moins de 25 communes : Foix, Pamiers, Carcassonne, Narbonne, Millau, Rodez, Villefranche-de- Rouergue, Alès, Bagnols-sur-Cèze, Revel, Auch, Agde, Béziers, Lunel, Sète, Cahors, Figeac, Mende, Tarbes, Lourdes, Perpignan, Albi, Castres, Mazamet, Montauban.
La région Occitanie a, elle aussi, lancé un vaste plan d’accompagnement des bourgs-centres ruraux ou péri-urbains. Elle propose notamment des dispositifs mobilisables sur mesure en fonction des particularités et des projets établis par les bourgs-centres, tout en soutenant les investissements publics favorisant l’attractivité des communes de toute taille. La France a l’originalité de posséder de très nombreuses communes dispersées sur de vastes régions, une chance mais aussi une difficulté quand il s’agit d’y insuffler de nouvelles dynamiques passant par des projets de développement et de valorisation. Mais de nombreux dispositifs existent pour y parvenir et la prise de conscience – réelle à tout niveau – de la nécessité d’une politique e cace en faveur des centres de toute taille s’est transformée en priorité régionale et nationale. La rénovation et remise aux normes de l’habitat, conjointement et en relation avec la régénération du commerce de centre-ville, constituent les éléments prioritaires mais pas uniques de la reconquête des centres. Trop souvent, les élus ont été amenés à autoriser des implantations de grands centres commerciaux éloignés des centres. Ils répondaient ainsi à des impératifs de création d’emplois et à des demandes de la population qui souhaitent disposer de zones de stationnement gratuites, proches des zones de chalandise. Mais, ce faisant, le commerce central de proximité a souffert d’une désaffection qui, trop souvent, l’a contraint à disparaître et avec lui l’animation des rues et des places. D’autant que parallèlement à son déclin, l’habitat ancien ne correspondant plus aux normes d’habitabilité moderne se dégradait, souffrant d’abandon ou d’absence d’entretien.
Pour couronner le tout, des équipements à vocation culturelle étaient aussi entraînés dans le tourbillon de la dégradation, la désaffection ou la disparition. L’animation est pourtant une composante majeure de la qualité de l’espace urbain, quelle que soit sa taille, attendu que la perte de dynamisme est un phénomène large qui concerne la majorité des bourgs autant que les villes petites, moyennes, voire de plus grande envergure. Le constat d’une nécessaire redynamisation des centres a conduit Nicolas Hulot à appeler « à une réforme globale permettant de refonder le lien entre commerce, ville et territoire » (dans Urbanisme n°407, hiver 2017). Le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, entend faire en sorte que cette réforme soit cohérente avec la vision d’une société prenant appui sur les valeurs de l’écologie et de la solidarité qui sont celles de son ministère.
Insistons sur le fait que le commerce, s’il est indispensable à l’animation, n’est que l’une des composantes de la reconquête des centres anciens. Ceux-ci disposent souvent d’un patrimoine construit en plus ou moins bon état, qui est rarement adapté aux normes et aux usages contemporains. Il est nécessaire de le rebâtir sur lui-même en le reconfigurant pour qu’il corresponde aux souhaits des habitants et pour qu’il cesse de se comporter comme une passoire énergétique. L’enjeu est donc social et écologique. Il l’est à tout point de vue : quand les logements du centre sont conformes aux attentes spatiales des populations et économes en énergie, ils sont réinvestis, limitant ainsi les transports automobiles et, plus globalement, l’empreinte écologique.
Enfin, au-delà de la revitalisation commerciale et de la recomposition contemporaine du bâti, s’il est une dimension essentielle pour la reconquête des centres anciens, c’est bien la culture. Ou plus précisément la mise en valeur des patrimoines par la culture qui est génératrice d’animations les plus variées et de développement touristique. Les premières renforcent l’intérêt d’habiter en milieu urbain pour être à proximité des manifestations culturelles. Le second est – notamment pour la France, première destination touristique au monde, plus de 80 millions de touristes la visitent chaque année – une ressource économique de premier plan qui n’est pas sans incidence sur l’hôtellerie, les commerces de bouche et le commerce en général. En fait, l’attractivité crée l’attractivité !
Les nouvelles technologies
Les patrimoines sont directement concernés par de nombreuses innovations leur permettant de mieux s’inscrire dans l’époque contemporaine. La géolocalisation ou la réalité augmentée – pour ne citer que deux techniques – ouvrent des possibilités multiples, permettant d’ouvrir les patrimoines à de nouveaux publics et, par là- même, de générer de l’activité dans les collectivités. Se développe ainsi de manière souvent spectaculaire des technologies nouvelles que de nombreuses start-ups mettent à profit pour lancer de nouveaux services. L’imagination est ici sans limites.
Inventorier, étudier, protéger, restaurer et faire connaître les patrimoines sont les principales dimensions auxquelles concourent les nouvelles technologies. De nombreuses applications se développent dans ces différentes directions, mettant à profit l’utilisation de Smartphones ou de tablettes tactiles, voire de nouveaux outils créés pour des applications particulières. Elles contribuent à susciter l’intérêt, à mieux informer et de manière interactive, à diffuser largement les connaissances loin de toute austérité ou de tout classicisme dans la mesure où les dimensions ludiques prennent de plus en plus leur place dans le déploiement des nouveaux outils.
Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle moteur en tant que véhicules d’informations sur tout ce qui touche de près ou de loin les patrimoines. Ils créent de l’attention, suscitent des envies, incitent à venir découvrir des patrimoines qui font ainsi l’objet de nouvelles attentions et d’une valorisation qui correspond aux attentes d’un public élargi. Aussi anciens puissent-ils être, les patrimoines n’ont jamais été aussi modernes, en relation à l’air du temps et vecteurs d’avenir au premier plan. Leur actualité, leur intérêt et leur potentiel en sont singulièrement renforcés. Enfin, et ce n’est pas le moindre de leur intérêt, les nouvelles technologies permettent d’adapter l’habitat, quelles que soient sa nature et sa vétusté, aux exigences du monde contemporain. On peut se loger et bien vivre dans de l’ancien, voire du très, très ancien, avec tout le confort du XXIe siècle… L’adaptabilité de l’ancien au moderne n’est plus une utopie mais la réalité de nombreux bâtiments transformés. Mieux même que transformés ou réhabilités, ils sont totalement contemporains.
Albi, Place Lapérouse, Grand théatre des Cordeliers, juin 2018 – g.mathieu_interlinks-image

Un trésor public en devenir
Forte des deux dimensions qui la composent sous le titre Patrimoines 3.0, la Biennale européenne des patrimoines 2018 trouve ici bien plus qu’une légitimité, un ancrage dans le monde contemporain, dans un XXIe siècle où elle ne s’inscrit pas seulement comme une célébration du passé mais tout autant comme une source de développements de filières d’avenir. Notons au passage que le beau mot de Patrimoine au fil des siècles se targue d’acceptions assez différentes, y compris certaines farfelues. Le Dictionnaire historique de la langue française rappelle que ce terme est emprunté au latin patrimonium, littéralement bien de famille, employé au propre mais aussi au figuré, comme dans l’expression patrimonium populi, littéralement trésor public.
Aujourd’hui, le patrimoine se rapporte aux biens matériels et intellectuels dont hérite une communauté. La donne du trésor public dont nous sommes les héritiers prend ainsi une dimension nouvelle au point que le mot lui-même, presque toujours employé antérieurement au singulier, est devenu un mot pluriel. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, a ainsi pu se féliciter de ce que le contexte patrimonial a évolué, ajoutant même que le patrimoine a repris une certaine visibilité sur la scène culturelle. Un hebdomadaire a pu titrer en couverture : comment sauver le patrimoine français, indiquant que « des ponts et des pigeonniers, des abbayes et des fontaines, des théâtres et des synagogues, des manufactures, des remparts, des arsenaux, des orangeries, des serres, des moulins, des viaducs, des forges, des châteaux, des églises surtout, par centaines… Plus de deux mille monuments, photos et description des lieux à l’appui, figurent déjà dans les cahiers de doléances ouvert par Stéphane Bern. » On sait que l’animateur a été nommé par le président de la République à la tête d’une mission d’identification et de sauvegarde du patrimoine en péril. Charge à lui de trouver des solutions pour le financement de la restauration ou la protection des édifices patrimoniaux, la plupart des monuments concernés étant situés en zone rurale ou dans de petites agglomérations.
Une prise de conscience s’est opérée. Le patrimoine n’est plus la question oubliée par le plus grand nombre (sauf, une fois par an, aux moments des Journées qui lui sont consacrées), ni le défi abandonné à la bonne volonté d’associations sans autres moyens que la protestation. Qu’est-ce qui a donc changé ? Et sous quelle impulsion ? La première édition de la Biennale européenne du patrimoine urbain, portée en 2016 – et, à nouveau en 2018 – par le Dialogue métropolitain de Toulouse, n’est pas pour rien dans cette évolution, bien qu’ait manqué à cette initiative un retentissement médiatique à la hauteur des thématiques traitées dans ce cadre. Le simple fait que cette Biennale existe a joué un rôle de catalyseur , elle a agi tel un précurseur avant le lancement d’initiatives largement relayées par les médias, telles que la mission confiée à Stéphane Bern, le prochain loto du patrimoine destiné à recueillir des fonds pour le patrimoine en péril, ou encore la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine qu’a mise en place le ministère de la Culture.
Autre prise de conscience : le patrimoine n’est ni seulement constitué de vieilles pierres fatiguées, ni seulement urbain. Beaucoup de catégories de patrimoines existent hors les villes, à commencer par le patrimoine rural. L’on pourrait aussi établir une liste de tout ce qui compose nos patrimoines : le paysage, les campagnes, les mers et les montagnes, la langue, la religion, la cuisine, … pour n’en citer que quelques-uns des principaux. C’est pourquoi, en 2018, la deuxième Biennale organisée sous la houlette du Dialogue métropolitain de Toulouse, a quelque peu modifié son libellé pour n’être pas seulement européenne du patrimoine urbain, mais englober tous les patrimoines et devenir ainsi : Biennale européenne des patrimoines. Ce petit changement a le grand mérite de donner une définition plus juste et plus englobante des ambitions de cette manifestation.
Quai des Savoirs – Toulouse © Patrice Nin – Mairie de Toulouse

La Biennale 2018 : une ambition renouvelée et quelques innovations
- La Biennale concerne sept territoires : Albi, Grand Cahors, Pays de Foix Varilhes, Cœur et Coteaux de Comminges, Grand Montauban, Tarbes Lourdes Pyrénées, Toulouse Métropole.
- La Biennale se déroule sur tout le mois de septembre – du mercredi 5 au samedi 29 – parce que ce mois est celui des patrimoines avec en son milieu – samedi 15 et dimanche 16 – les fameuses Journées européennes du patrimoine, dont ce sera la 35e édition sous le signe de L’art du partage.
- La Biennale s’inscrit dans le cadre de l’opération 2018, année européenne du patrimoine culturel, initiée par la Commission européenne, dont elle a le label.
Les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle font désormais le quotidien des médias et, par conséquent, de tout un chacun. Le patrimoine est une passion française qui ne se dément pas, en témoignerait, s’il en était besoin, le succès des Journées du patrimoine.
Au sein de son titre, Patrimoines 3.0, la Biennale 2018 associe en un raccourci les patrimoines qui pourraient sembler n’appartenir qu’au passé et l’innovation, par nature tournée vers le futur. Cette inscription dans le continuum des temps ancre la Biennale dans le présent et marque la volonté du Dialogue métropolitain de Toulouse de l’adresser à tous les publics. Par leur contenu, certaines conférences pourront avoir davantage pour cibles les professionnels et les élus. Néanmoins, l’objectif est bien de ne négliger personne parce que le choix qui a été fait de s’intéresser à la reconquête des centres anciens et aux filières d’avenir concerne de toute évidence les publics les plus larges. Ceci a notamment conduit à organiser des temps de visites et des temps de discussions et de colloques. Les déambulations pourront attirer des populations qui, sans elles, ne se seraient pas senties concernées par la Biennale et qui, entrainées dans le cortège, viendront écouter les conférenciers et participer aux échanges. C’est du moins le pari auquel nous espérons que chacun souscrira de façon faire de l’événement Biennale européenne des patrimoines non pas un événement grand public mais un événement TOUT PUBLIC.
Frédéric Lenne
Commissaire de la Biennale européenne des patrimoines 2018